Les résultats des élections européennes du 26 mai 2019 nous rendent pessimiste, la montée des populistes et des extrêmes donne envie d'utiliser l'analogie d'un cancer qui reprend. Il est clair que la période d'instabilité politique et économique que nous traversons, est le signe d'un monde changeant et parfois menaçant. Mais les causes ne devraient pas produire, selon moi, les retours à l'extrême droite que nous constatons.
Les bienfaits de l’Europe
Nous vivons dans une zone du monde privilégiée, dont le niveau de confort de vie est inégalée dans l'histoire, et où un beau projet d'association de pays appelé Europe est présent depuis longtemps. Mais nous ne semblons pas nous satisfaire de cette situation. Alors que le reste du monde nous envient, nous ne semblons plus capables d'en apprécier la valeur, si bien que nous sommes portés à écouter ceux qui veulent sa disparition. Pourtant les bienfaits et les avancées de l’Europe sont nombreux (1). Ceci dit, nos systèmes ne sont pas sans défauts. Certaines personnes ont une vie difficile en Europe et les causes peuvent être multiples.
Les réactions face à l’Europe
L’Europe est un projet de civilisation, mais il faut avouer qu’il est aujourd'hui peu lisible pour ses citoyens. La faute sans doute à ses politiciens aux prises avec la complexité d'une réalité à 28 pays, dont les populistes ont vite fait d'en condamner la légitimité et la solidité. Les citoyens, eux, semblent ne pas prendre du recul et réagir de manière émotionnelle; plutôt que de consacrer de l'énergie à des solutions, nous préférons le rejet. Plutôt de nous montrer curieux du monde et bienveillants, nous préférons le repli stérile, une malveillance qui se banalise et un regain d'égoïsme. En Belgique, si nous n'agissons pas contre les tendances politiques clivantes, nous arriverons peut-être à des scénarios identiques à la France avec une extrême-droite en position de force. Ne perdons pas de vue que lorsque le politique prend le chemin des extrêmes, cela va de pair avec plus de violence, de racisme et de troubles sociaux pour les citoyens. Ce n’est évidemment pas ce que nous voulons.
Un manque de pédagogie pour la jeunesse
D’autre part, plutôt que d'éveiller nos jeunes aux valeurs démocratiques, nous les laissons se perdre dans une marée de désinformation qui a pris ses quartiers sur les réseaux sociaux (2) (3), là où les jeunes ont la mauvaise idée d'aller s'informer sur la politique. Dans un système politique complexe où sont systématiquement pointés les dysfonctionnements et les scandales, et non les succès et avancées, comment espérer que nos enfants, déjà en manque de repères, fassent des choix politiques judicieux ? Où sont les efforts de pédagogie et de clarté de propos dont les jeunes ont besoin pour les aider à poser des jugements sur la société et son avenir ? Quel média traditionnel, à l’exception d’Arte et quelques autres, va se décider à décrire objectivement l'Europe telle qu'elle est, plutôt que d’évoquer constamment ses défauts ? La manière de s'informer de tout citoyen est cruciale. C'est ni plus ni moins qu'un enjeu de démocratie. Il en va de notre discernement du jeu politique.
Une couverture médiatique complète pour les extrémistes
Tourné vers la jeunesse, le Vlaams Belang a mené une campagne acharnée sur Facebook, saturant les fils d'actualités de questions liées à l'immigration et à l'Islam (4) (5). Le résultat est payant (6). Au nom de la liberté d'informer, il semble normal de laisser aux autocrates et aux populistes une place dans les médias pour que nous puissions comprendre que ceux-ci sont extrémistes. Mais alors pourquoi entendons-nous si faiblement les contre-discours démocratiques et les analyses journalistiques qui doivent accompagner les discours des populistes ? Pourquoi nos médias qualifient-ils "d'hommes forts" des dirigeants moralement faibles ? Dans quelle mesure cela peut-il jouer sur nos perceptions ? Pourquoi ai-je le sentiment que peu est fait pour nous éviter le piège idéologique qu’ils nous tendent ? Une démocratie doit se reconquérir au quotidien. Pourquoi des formations politiques démocratiques et respectables, sont peu présents dans les médias et que leurs responsables soient rarement interviewés ? La Flandre, le Royaume-Uni et la France (7) - pour ne parler que des électeurs proches, ont-ils scellé leur avenir aux extrêmes, maintenant que l'habitude de récuser les partis traditionnels est prise ? Les vieux démons vont-ils réapparaître ? Si une partie du problème est en lien avec des perceptions erronées, ne serait-il pas temps d'y travailler, de reparler des valeurs ?
Les pistes pour un autre avenir
Une société portée sur le clivage n'apporte que désunion et conflits. Si la société se plaint des résultats désastreux de ses élections, elle devrait se remettre en question et œuvrer à tous les niveaux pour rétablir la situation. Rappelons-nous que nous sommes des citoyens qui co-construisent la société dans laquelle nous évoluons. Les partis politiques, s’ils sont responsables, devraient réussir à dégager un intérêt collectif au-dessus des intérêts particuliers. Et le plus tôt sera le mieux, car les changements de société ne se font pas sur quelques années, c’est un travail de longue haleine.
Sources :
(1) Les avantages de vivre en Europe.
(2) Trois milliards de faux comptes supprimés de Facebook.
(3) 500 pages et groupes diffusant la haine et la désinformation.
(4) Le succès de l'extrême droite en Flandre.
(5) Le montant des dépenses en communication du Vlaams Belang.
(6) Le montant du financement de la campagne du Vlaams Belang
(7) Les élections montrent que les français changent.