Déni
En nous érigeant au-dessus du vivant, nous avions l'impression de sortir de notre condition.
Nous étions des hommes fiers de notre puissance, méprisant la fragilité, la vulnérabilité.
Le monde nous appartenait. Nous avions tout.
Mais nous nous sommes engagés sur la voie de la compétition et de la destruction.
Il fallait accumuler et détruire pour se convaincre d'être au sommet.
L'homme se disait civilisé. Il vivait dans le déni.
Dépression
Puis il y a eu de profondes déchirures dans notre tissu d'illusions.
Alors que nous consommions pour être vu et exister, le climat se déréglait.
Nous avons vu l'humanité décliner, la biodiversité rapidement s'effondrer.
Nous avons vu des déserts s'imposer, le feu tout dévorer, l'eau nous noyer.
Il y a eu les guerres bien sûr, et les pandémies, mais les famines furent les plus meurtrières.
Nous nous en sommes voulu terriblement, passant par toutes sortes d'émotions, entre cris et larmes.
Résignation
Nous avons vécu un lent et long déclin économique et démographique.
A mesure que le grand déclin s'intensifiait, nos vies s'accompagnaient de douloureux renoncements.
La température du globe a continué d'augmenter, en raison de réactions en chaîne incontrôlables.
Nos efforts n'ont pas permis de stabiliser le climat mondial.
Nous avons brisé l'équilibre.
Nous avons perdu le futur auquel nous aurions pu prétendre.
Acceptation
L'acceptation de la réalité a été longue et difficile. Nous avons lutté contre le désespoir.
Nous sommes parvenus à changer notre perception du monde, à nous changer de l'intérieur.
Nous avons cessé de promouvoir certaines valeurs qui se sont révélées mortifères.
Puis nous avons cessé de nous voir comme supérieurs aux autres êtres vivants.
A présent, les jeunes générations ne connaissent pas l'insouciance, ni l'opulence vécues jadis par leurs aînés.
Elles sont contraintes de vivre dans la frugalité et l'incertitude, avec la sensation d'un futur volé.
Reconstruction
Si seulement nous pouvions plier le temps sur lui-même, revenir en arrière.
Rêver d'un autre monde, tout en se rappelant ce que les rêves des hommes ont coûté aux espèces vivantes, et à la planète.
Avant le grand déclin, nous pensions avoir tous les droits. Aujourd'hui, notre survie veut qu'il nous reste surtout des devoirs.
Avoir échappé à la mort. Persévérer. Vivre au jour le jour. Un pas après l'autre. Un pied devant l'autre.
Pour notre planète, nous ne cessons d'essayer de rétablir une relation équilibrée de bénéfice mutuel, une relation durable.
Notre liberté inclut désormais aussi celle des générations futures, auxquelles nous nous devons de léguer un monde habitable.
L'humanité est enfin sortie de l'enfance.
Source: Roman d'anticipation "Visite" de Li-Cam. Texte librement inspiré du témoignage du personnage fictif de Bella. Les titres des sections sont inspirés des 5 étapes du deuil selon Elisabeth Kübler-Ross.