Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Regards sur...
30 novembre 2023

L'appel à retrouver une parole juste et responsable

"Jamais l’Humanité n’a autant pris la parole. Phénomène inédit dans l’Histoire. À maints égards, opportunité inouïe. Tout le monde s’exprime. S’étale. Se lâche. Se fâche. Se casse. Partout, ça parle. Mais est-ce que ça s’écoute ? Est-ce que, pour autant, on se parle ? Qu’est-ce qui se joue ? Et qu’est-ce qui se dit ? Désormais, chacun peut donner de la voix. Prendre parti. Publier son avis. Proclamer à hauts cris. En un sens, c’est une chance. Un sens – oui, mais lequel ? Tout dépend. Qui parle. Pour dire quoi. Au nom de quoi. À qui. Comment. Pour quoi.

Il faut voir comme on se parle – l’humanité en moins. De ce pouvoir extrême, quels usages faisons-nous ? De façon écrasante, de nos jours, l’énonciation dégénère en dénonciation. En stigmatisation. En ségrégation. En destruction. Et qu’ils visent ou non à détruire, pour beaucoup les mots ne veulent plus rien dire. Gage d’inconscience, vide de sens et pleine de violence – telle s’impose aujourd’hui, dans sa version massive, la parole. [...] Dans nombre de ses modalités actuelles, en mauvaise part, à mesure qu’elle prolifère, la parole se dégrade. Sa profération induit trivialisation, instrumentalisation, division, humiliation. Bien souvent, elle avilit l’individu. Elle annihile le sens. Elle galvaude le locuteur. Elle dénigre l’autre. Elle déchire la société.

Nous appelons ici à la valorisation de la parole. Pour que l’explosion de l’expression marque la consécration de notre humanité. Non son atomisation. [...] Cette globalisation de la parole, nous n’avons aucune intention de la laisser se résumer à sa dégradation. À sa standardisation et à son uniformisation. À sa marchandisation et à sa massification. À son aliénation et à son arriération. À sa pulvérisation en particules rudimentaires – en graines de néant. Jamais nous ne limiterons toutes nos pensées à un cliché. Deux posts. Trois secondes. Quatre émoticônes. Deux cent quatre-vingts caractères. Jamais nous ne reconnaîtrons au seul contenant la toute-puissance de dicter tout contenu. Au médium le pouvoir absolu de n’y voir rien que du flux."

Source : extraits choisis des premières pages du livre de Gérald Garutti, "Il faut voir comme on se parle : Manifeste pour les arts de la parole"

Publicité
Publicité
Commentaires

feuille-turquoise

Publicité

stylo plume

Visiteurs
Depuis la création 19 177
Publicité