Quel est le plus grand danger pour notre civilisation ? Que plus personne ne croie en rien ou que tout le monde avale des mensonges sans broncher ? Si nous ne prenons pas immédiatement des mesures pour protéger notre écosystème des informations, nous allons bientôt le découvrir. Fonçons-nous droit vers une "infocalypse", un effondrement catastrophique du marché des échanges des idées ?
Le constat
Les progrès en matière de technologies de la communication et d’intelligence artificielle sont tels qu’il est désormais possible de créer des contenus audio et vidéo dont les conséquences peuvent être catastrophiques: par exemple la vidéo d’un dirigeant qui ordonne une frappe nucléaire. Les fake news sont fabriquées de manière de plus en plus sophistiquée, ce qui rend leur identification difficile. Mais cela reste possible, et la résistance doit maintenant prendre forme, selon le chercheur américain Aviv Ovadya.
Les médias et les réseaux sociaux continuent de valoriser la désinformation, le sensationnalisme et les clashs artificiels au détriment de la réalité, de la transparence et de la cohésion citoyenne. Une part importante des informations les plus lues par le biais des réseaux en ligne sont inexactes ou trompeuses. Facebook et les autres ont commencé à prendre cette menace très au sérieux, mais la prochaine menace qui nous attend – la distorsion de la réalité – approche à grands pas.
Le devoir des citoyens et des institutions est de faire confiance aux bonnes personnes et d'écarter les bonimenteurs. Les gouvernements, qui représentent les citoyens, doivent rendre des comptes, et la transparence nécessite en retour une certaine capacité de discernement. Mais la technologie est en train de démolir cet édifice du savoir, et si nous n'agissons pas rapidement, nous atteindrons bientôt un point de non-retour. Alors que les machines sont de plus en plus intelligentes et que les moyens technologiques prennent de l'ampleur, notre écosystème de l'information n'a jamais été aussi vulnérable.
Les mesures
Alors que pouvons-nous faire ? Pour faire simple, l'industrie, la société civile et les gouvernements doivent investir massivement, afin de bien comprendre les menaces qui pèsent sur notre écosystème informatif et de pouvoir mieux les endiguer. Et c'est tout de suite qu'il faut agir. La nature de ces menaces va changer très rapidement ces prochaines années et elles prendront des formes différentes selon les régions et les réseaux.
Nous devons chercher par tous les moyens à mettre en place des systèmes capables de déterminer efficacement si les images d'une vidéo sont réelles ou si elles ont été retouchées. L'objectif étant de pouvoir offrir cette information vérifiée au consommateur qui se trouve en bout de chaîne. C'est très important pour les journalistes, les diplomates, les tribunaux et les dirigeants politiques. Très rapidement, nous allons avoir besoin de concevoir et de déployer une énorme quantité de moyens techniques afin de pouvoir certifier qu'une vidéo a bien été tournée à un moment donné et dans un lieu qui existe.
Les réseaux sociaux et même les navigateurs vont devoir incorporer ces certificats d'authenticité à leur système afin qu'il y ait un vrai impact sur les utilisateurs. Ils vont devoir jouer sur les mécanismes psychologiques qui régissent notre capacité à discerner le vrai du faux, car il est peu probable que le simple fait d'indiquer qu'il existe un trucage soit suffisant.
Le département de la Défense américaine s'est décidé à lancer la guerre contre les fake news vidéo en lançant le programme Media Forensics, annonce la MIT Technology Review le 7 août 2018.
L'espoir
Un accès à de meilleures données, un travail de pédagogie auprès du public pour l'aider à affiner son jugement et une vérification des informations afin d'établir des vérités de référence, ce genre d'effort pourrait être constant et permettrait de répondre de manière adéquate aux nouveaux problèmes rencontrés et aux nouveaux réseaux informatifs. C'est une bataille indispensable à mener. C'est un pari sur l'avenir si nous voulons éviter une "infocalypse".
Extraits choisis et remaniés de l'article du Courrier International, numéro 1451 du 23 au 29 août 2018.
Article original du Washington Post "What’s worse than fake news? The distortion of reality itself."